La séquence autoroutière est ahurissante.
Ok, les sociétés d’autoroutes bénéficient d’une rente indue (je le dis d’entrée pour calmer tout le monde. Il se trouve que moi je l’ai lu le rapport de l’autorité de la concurrence, et c’est quand même beaucoup moins clair que les titres de presse. Le calcul des rendements est une science des plus complexes, et, très franchement, personne ne peut apporter de réponse avant la fin des concessions, autour de 2030. Il serait judicieux de dire : rendez-vous à ce moment là pour faire les comptes. Ça supposerait qu’un responsable politique ait l’échéance 2030 en tête. On peut toujours rêver)
Donc, une fois qu’on a dit tout ça, est-ce qu’on peut s’arrêter deux secondes sur ce qui est en train de se jouer sous nos yeux. :L’état décide de suspendre brutalement la hausse des péages. 0,58% . Zéro virgule cinquante-huit pour cent. Je l’écris en toutes lettres pour que l’on sache bien de quoi l’on parle. Quelqu’un a-t-il calculé l’impact de cette décision sur notre portefeuille ? Ben non bien sûr, tout le monde s’en fout, on ne fait pas de l’économie, on fait de la politique.
Sauf que l’enjeu n’est pas là. L’enjeu il pèse 3,5 milliards. Un plan de relance négocié avec le gouvernement, et Bruxelles parce que c’est un partenariat public-privé. On lance 3,5 milliards et demi de travaux de rénovation en échange d’un allongement des concessions. Avant de pousser des cris d’orfraie, je vous incite à réfléchir au fait que sur le secteur pas un appel d’offre n’a été lancé depuis 2 ans ! Que ce secteur est aussi celui du bâtiment, que l’intérim en décembre y était en recul de 24% après deux ans de destructions d’emplois qui dépassent tous les autres secteurs.
D’ailleurs le gouvernement y avait parfaitement réfléchi, puisqu’en coulisses Ségolène Royal avait validé le protocole, et qu’encore une fois, Bruxelles, certainement pas suspect de douceur en ce domaine, avait donné son accord. Soyons clairs, on était peu ou prou sur les dispositions prévues par le processus Juncker.
Et bien tout cela vient d’exploser sur l’autel des 0,58%. Les sociétés d’autoroutes le disent : « on ne voit pas comment lancer le plan dans un tel climat d’insécurité juridique », hier elles ont reçu des dizaines de coups de fil d’investisseurs furieux, l’impression qu’on leur a caché quelque chose, quand on disait qu’un accord avait été trouvé avec le gouvernement. Non, on n’a rien caché, c’est la France, où la promesse publique a l’espérance de vie d’un papillon.
Mais c’est la chute de l’histoire qui fait frémir. Parce que les sociétés d’autoroute ont tenté de comprendre. La décision est à ce point absurde qu’elles n’ont trouvé qu’une explication : un deal politique. On offre à la gauche du PS une victoire à deux balles contre les « gredins du BTP » et en échange on laisse Macron tranquille. Le pire c’est que c’est crédible, non ?
Allez maintenant l’expliquer aux petits patrons du BTP en ruine.