Les commentaires ahurissants autour de Carlos Ghosn sont le symptôme d’une France qui ne s’accepte pas pour ce qu’elle est
« Ce type commet un hold up sur Renault », j’ai entendu cette phrase, prononcée de concert par deux éditorialistes de renom, l’un très libéral, l’autre plutôt pas, sur une chaine d’information économique sérieuse, en l’occurrence la mienne.
Non mais vous êtes tous devenus cinglés ? Vous avez oublié 2008 ? Vous avez oublié le paysage dévasté de l’automobile européenne ? Seuls les Allemands premium surnageaient, Fiat et Opel sauvés par le gouvernement américain (à travers Chrysler et General Motors), PSA en faillite, l’automobile britannique rachetée par les indiens et les chinois !
Et Renault, ou plutôt l’Alliance, car Ghosn parle effectivement de son groupe comme d’un groupe mondial, et fait effectivement assez peu de différence entre les deux constructeurs. Renault, donc, qui va tranquillement rejoindre la terre des géants. Ils sont quatre aujourd’hui à dominer de la tête et des épaules la planète automobile : GM, Toyota, VW, et Renault/Nissan/Avtovaz. Au dessus des 8 millions de véhicules vendus, là où la taille vous met à l’abris des tempêtes. Avec une technologie électrique parfaitement maîtrisée, lancée comme une vision il y a quasiment 10 ans. C’est un hold up, ça ?
Mon propos là n’est pas d’écrire des pages sur ce qui s’est passé, je fais court (et énervé) ! Mais dire que Ghosn « se goinfre » c’est en fait refuser le succès quand il n’est pas drapé exclusivement de bleu-blanc-rouge, c’est refuser que la course à la taille soit un but en soi, or ça l’est dans le domaine industriel, c’est frémir d’effroi devant l’ambition absolue.
« Mais ça n’est pas le sujet, M. Soumier, le sujet c’est qu’il ne respecte pas la volonté des actionnaires ». Si vous croyez ça vous vous gourez. Ça n’est pas pour une histoire de gouvernance que Macron se met dans un tel état à l’assemblée nationale, ça n’est pas pour le code AFEP/MEDEF que la place de Paris est en train de se mobiliser, c’est bien contre Ghosn, parce que cette ambition qu’il représente les fait frémir, ils la trouvent vulgaire, pas de leur monde.
Ils ont raison ! Vouloir dominer le monde à tout prix est une volonté qui manque à beaucoup de nos patrons et dans le mépris qu’il peut afficher pour la France, Ghosn nous ramène à notre rang de puissance anecdotique, un sympathique marché de consommation.
Il aurait sans doute dû, comme Xavier Niel, racheter Le Monde, ou Libération, pour se faire accepter par le sérail, seulement je crois que son histoire ce n’est pas, ça n’a jamais la France. Mais c’est bien la France qu’il rend plus forte avec ses conquêtes
Amen