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Le blog de Stéphane Soumier

Le blog de Stéphane Soumier


LCI, BFM et la concurrence

Publié par Stéphane Soumier sur 5 Mars 2014, 13:41pm

Quelques mots, à titre privé, sur une question récurrente


« Comment vous, qui défendez partout les vertus de la concurrence, pouvez-vous la refuser pour votre chaîne ? #faitescequejedispascequejefais »

Elle est légitime la question 

Et la seule réponse en fait c’est : ne vous inquiétez pas, on va les défoncer !

Bon. Après cet engagement managérial, il n’est pas interdit de s’interroger sur le dossier. 

De quoi parle-t-on quand on parle de LCI et de son éventuel passage en gratuit ? Du groupe de télévision qui, contrôle déjà 50% des recettes publicitaires du secteur, 13,2 millions de téléspectateurs par jour soit 31% du secteur de l’information télévisée. En fait de concurrence, en proposant la gratuité de LCI, il s’agit bien de la tuer en fragilisant le nouvel entrant Nextradio : 2% des recettes publicitaires, 4% de l’audience sur la TNT gratuite, 15,4% de l'audience du secteur gratuit de l’information télévisée

Ces trois chiffres sont importants. La faiblesse des deux premiers vous donne une idée de la fragilité des équilibres du groupe, l’importance du troisième témoigne de votre appétit pour une offre d’information différente.

Et c’est bien le problème. En tout cas j’en suis convaincu. Pourquoi donc l’hypothèse du passage en gratuit de LCI écarté il y a 2 ans revient elle en force ? Parce que l'info de la TNT commence à inquiéter TF1, et qu'il faut tout faire pour la fragiliser.

Car ça n’est pas une histoire d’argent, soyons sérieux. Au regard des résultats  et de la puissance d’un groupe comme TF1, LCI ne pourrait être, au mieux, qu’un foyer de profit anecdotique. LCI n'a jamais gagné d'argent en 20 ans d'existence, ça ne dérangeait pourtant personne. Alors, les pouvoir publics, comme ils le disent parfois, veulent-ils des « groupes audiovisuels puissants à l’échelle européenne » ? Très bien, mais qu’on le dise. Qu’on dise que c’est une histoire de concentration et pas une histoire de concurrence.  

Ça n’est pas non plus une création du marché. LCI ne doit sa notoriété qu’au monopole dans lequel elle a pu évoluer de nombreuses années. Monopole de fait parce que seul le groupe TF1  pouvait essuyer ses pertes importantes. TF1 se payait là un canal d’influence auprès des responsables politiques, canal qu’elle a perdu avec l’émergence de la TNT gratuite. Canal qu’elle souhaite aujourd’hui récupérer? Pourquoi pas.  Mais je vous en prie, ne me dîtes pas que cela doit se faire au nom du respect de la concurrence

D'ailleurs, LCI aurait pu très légitimement passer en gratuit en 2007, justement au moment d'une nouvelle accélération de la concurrence. Elle l'a refusé, "nous ne sommes pas candidat au cimetière" disait son directeur à l'époque. Et oui, il aurait fallu prendre des "risques". Plus simple de venir maintenant revendiquer l'utilisation d'une recette inventée par d'autres... pour mieux les étouffer

Dans une décision récente, l'autorité britannique de la concurrence a décidé d'interdire à Eurotunnel le droit d'opérer une compagnie de Ferry entre Calais et Douvres. Pourtant seules deux compagnies opèrent, ne serait-ce pas un accroissement salutaire de la concurrence? Non! Répondent les Anglais, le renforcement du plus fort (Eurotunnel) est souvent synonyme d'une disparition rapide de la concurrence réelle

Et on entre là dans le chapitre le plus polémique de cette affaire, le capitalisme de connivence, le capitalisme de la barbichette, le capitalisme des réseaux et des héritiers. Quand on regarde, depuis 10 ans l’évolution de notre CAC40, on constate qu’il est en train de reculer, la mondialisation oblige à l’ouverture.  Même sur le secteur des media, l’activisme de Xavier Niel modifie les équilibres, remet un peu de rationalité économique dans un secteur qui se croit au-dessus des comptes (comme d’autres se croient au-dessus des lois) , justement parce qu’il est protégé par les habitudes.

Or, c’est bien cet esprit de réseaux qui sortirait renforcé de toute cette affaire. Là encore, ne me parlez pas de concurrence.

Pas question pour moi d’aller sur un autre terrain, celui de la démocratie, de l’équilibre des pouvoirs et bla bla bla. Je milite pour que l’on considère l’information comme une marchandise (dans un cadre régulé, évidemment, comme beaucoup de marchandises) seul moyen justement d’assurer l’indépendance et la rentabilité de ceux qui la cherchent, l’extraient, la diffusent.

Et c’est donc économiquement, rationnellement, que l’on peut considérer que le passage de LCI en gratuit serait inefficace.

Et c'est bien économiquement qu'il faut conclure par la conviction qu'une boite d'entrepreneurs comme Nextradio sortia finalement vainqueur des batailles qu'on lui imposera

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P
Une analyse très fine, et en effet nos entreprises meurt tout autant d'une impossible concurrence fiscal, mais aussi sur le marché intérieur d'une concurrence déloyal du corporatisme, qui peut être<br /> direct ( ami d'ami, même prendre en compte la justesse de l'offre ), ou plus sournois par la création de norme, et règle qui exclus les non introduit, et tout cela est navrant ... et dommageable.
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