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Le blog de Stéphane Soumier

Le blog de Stéphane Soumier


Vous ne comprenez rien à Renault?

Publié par Stéphane Soumier sur 13 Février 2013, 14:10pm

 

pas très grave, suffit de regarder les choses en face. On réalise alors que Carlos Ghosn ne mérite sans doute pas de brûler en place publique

« Il n’aime pas Renault ». Point. Pas la peine d’aller chercher plus loin. C’est souvent  là que la discussion s’arrête avec les spécialistes du groupe. Alors, quand vous entendez ça, vous cherchez des éléments tangibles sur lesquels s’appuyer pour nourrir une telle conviction: « il passe plus de temps au Japon qu’à Paris », ah bon ? Vous avez fait le compte ? Non… personne n’a fait le compte, « l’affaire des espions a prouvé qu’il avait perdu le contact réel avec l’entreprise », ah bon ? Ce n’est pas toute la boite qui est partie en vrille dans cette histoire ? « Il n’a porté aucune évolution réelle au cœur de Renault depuis des années », ah bon ? Et l’électrique, c’est quoi ?

-l’électrique, pfff…"  là je viens de vous donner la réponse ultime. Fin de la discussion.

 Le but de ce billet n’est pas de défendre le choix électrique, je l’ai fait par ailleurs (ici), simplement on ne peut pas reprocher à Carlos Ghosn de « ne pas aimer Renault » et lui reprocher dans le même temps de faire porter par Renault sa conviction la plus profonde.  A moins de construire une histoire machiavélique dans le genre : « il sait que l’électrique va se planter, il le file à Renault pour la planter aussi »… à ce niveau-là, je m’incline.

Des hasards qui font une stratégie

Est-ce qu’on peut regarder les choses en face ? Reconnaitre que l’automobile est sans doute l’une des plus cycliques des industries. Un cycle au carré. Le cycle industriel classique, auquel s’ajoute un cycle de consommation lié au produit. Une voiture marche ou ne marche pas. Cette dimension-là appartient à l’irrationnel. Or, quand Carlos Ghosn prend des responsabilités dans le groupe, on finit de solder le naufrage de la Vel Satis. Signée Schweitzer. Il n’aimait pas Renault, Schweitzer ?

Et dans le même temps, monte en puissance un concept dont personne n’avait anticipé le succès : Logan. Là encore, il faudrait des pages (elles sont là, dans un bouquin remarquable) pour raconter la collection de hasards qui devient une stratégie mondiale. Sauf que Ghosn comprend l’importance de cette carte. Il ne dit pas Logan, mais M0. C’est une plateforme. Elle s’appelle Logan, ou Dacia, ou même Renault. Tout dépend des pays. Aucune importance, c’est du marketing.

L’idée qu’on « abîme la marque » avec du low-cost est une ânerie monumentale. 1/le low cost, c’est le secteur le plus profitable de l’alliance Renault-Nissan aujourd’hui. Cela veut dire, pour être clair, que c’est en vendant des voitures issues de la plateforme M0, que le groupe gagne le plus d’argent. Développer M0, c’est donner plus de force à Renault. Ce n’est pas de l’affect, ce sont des maths.

2/Et vendre du haut de gamme qui ne tient pas les promesses du haut de gamme, est-ce que ça ne lui porte pas des coups terribles à la marque ?

Pris dans la tempête parfaite

Je ne voudrais pas que l’on ait la mémoire courte : dans sa toute première conférence de presse, février 2006, Carlos Ghosn est ambitieux comme personne: Contrat 2009, 26 nouveaux modèles en l’espace de 3 ans . Bug : en 2007 se lève la tempête parfaite qui va balayer l’automobile américaine. Il aurait fallu continuer comme si de rien n’était ? C’est ce qu’a fait PSA.

Renault va devoir se mettre à l’abri, et qu’on le veuille ou pas, c’est Logan et Nissan qui vont la sauver. Comme Renault avait sauvé Nissan au début du siècle. Comme Renault sauvera peut-être encore Nissan dans 10 ans. Le cycle bon dieu !

Durant ces années de crise, l’homme qui « n’aime pas Renault », va construire l’assise internationale qui lui donne une force considérable, la dernière touche en décembre dernier avec le contrôle de Lada et l’ouverture sur le marché russe. Les ventes mondiales de Renault pèsent désormais plus que ses ventes européennes. Ce n’est pas un abandon ça, c’est une stratégie !

Alors, oui, il y a la France. Les usines françaises. 900.000 véhicules de capacité théorique, 530.000 véhicules produits en 2012. Pourquoi Renault reste-t-elle aujourd’hui l’arme au pied ? Bonne question.

La réponse c’est que lancer aujourd’hui, dans ce marasme de marché, des véhicules ambitieux, ce serait les condamner. Il n’est pas idiot, sachant que le groupe est en parfaite santé financière, de laisser l’orage économique se finir. Clio IV est là. Elle peut porter la marque en attendant des jours meilleurs. Le cycle, toujours le cycle. En jouer comme le surfer se joue de la vague. Faut qu’elle vous porte, pas qu’elle vous engloutisse.

Savoir si Carlos Ghosn aime ou n’aime pas Renault est un débat stérile. Reconnaitre que l’entreprise ressort forte de cette crise est une évidence. Désabusée, sans doute. Je ne me prononce pas sur le management interne, je n’en sais rien. Mais forte, désendettée, et même en situation de trésorerie nette positive pour 1,5 milliard, situation unique chez les constructeurs généralistes européens (à l’exception de Volkswagen, évidemment) appuyée par exemple sur une structure de financement (la « banque » de Renault) qui crache à elle seule 700 millions€ de résultat, parfaitement positionnée sur un marché russe plein de promesses.

Alors si ce n’est pas de l’amour, disons que ça y ressemble

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W
With the introduction of the Duster AWD, Renault becomes one of the few, offering a unique proposition in the mass market. The Fluence being a good-looking car, but it has always been less flash and more elegance. Overall, I’m a huge fan of Renaults.
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K
@ Damien<br /> <br /> Je suis d'accord avec tout ce que vous dîtes, le marché américain a ses spécificités, comme le japonais ou le brésilien.<br /> Je pensais qu'il était pertinent pour un constructeur d'être présent en Europe, Asie et Usa car ces zones économiques ne sont pas toutes déprimées en même temps ?<br /> <br /> Ps : j'ai conduit en location une Nissan Altima, un veau, très mal équipé !
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S
<br /> <br /> n'oubliez pas que c'est un héritage des fondations de l'Alliance avec Nissan, chacun devait se concentrer sur la zone géographique où il était déjà installé. On a compris bien plus tard que cela<br /> représentait un handicap considérable pour Renault<br /> <br /> <br /> <br />
D
Pour répondre à k3c, Renault n'est pas bien équipé pour s'insérer sur un marché américain qui, s'il est en effet très grand, est également très concurrentiel. Renault arriverait immédiatement sur<br /> un marché où ses concurrents ont eu entre 40 (pour les japonais) et un siècle [!] pour s'adapter aux particularités de ce marché. Les choix technologiques de Renault ont été guidés par les besoins<br /> et le cadre économique français (notamment le cadre fiscal qui encourageait les "petits" moteurs -- et décourageait ainsi l'importation de véhicules américains), et les modèles sont fort peu<br /> adaptés au marché américain.<br /> <br /> La réalité du marché US, c'est:<br /> 1) le diesel quasi inexistant, à part pour les camions. Ce qui veut dire que certains des moteurs phares de Renault peuvent être mis à la poubelle pour le marché US.<br /> <br /> 2) une compétition féroce. Regardez les prix des voitures européennes. Même les constructeurs haut-de-gamme doivent brader leurs modèles par rapport aux prix européens.<br /> <br /> 3) des goûts très différents. Le consommateur américain moyen s'intéresse de plus en plus à la consommation de la voiture, mais il reste habitué à des modèles plus grands et spacieux. Une voiture<br /> moyenne en France est une petite voiture aux USA.<br /> <br /> Les meilleures ventes aux USA en 2012? Les pickups de Ford et de Chevrolet, la Toyota Camry (même taille que l'Avensis, et classifiée comme une voiture de taille moyenne!), Honda Accord (même<br /> taille, 4.9m de long), Honda Civic (exception), Nissan Altima (enfin! Mais il s'agit d'un modèle réservé au marché américain).<br /> <br /> Les meilleures ventes en France? Renault Clio et Mégane, Citroen C3 et C4, Peugeot 208/207/308, VW Polo, Peugeot 3008, Renault Twingo.<br /> <br /> En clair, toutes des voitures qui seraient minuscules aux USA et qui ont d'ailleurs peu d'équivalents là-bas. Pourquoi Renault voudrait donc cannibaliser les ventes de Nissan, déjà bien implanté<br /> aux USA, avec des coûts de marketing importants (Renault est soit inconnu, soit mal considéré aux USA), pour finalement vendre grossa modo la même plateforme B et ses successeurs.
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K
Les chiffres sont têtus : en 1999, Renault et Nissan produisaient pratiquement le même nombre de voitures. L'an dernier Nissan a produit presque 5 millions de voitures, Renault 2 550 000. Ghosn<br /> dirige les 2 entreprises depuis 2005, et Nissan depuis 1999.<br /> Pourquoi Renault ne vend pas aux USA (le marché le plus rentable), alors qu'elle dispose d'un distributeur (Nissan), contrairement à Peugeot/Citroen, pour qui c'est plus compliqué ? On peut<br /> "soupçonner" Ghosn de favoriser Nissan face à Renault.
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S
<br /> <br /> pouvez vous comparer ce qui est comparable et regarder les volumes de Fiat, PSA, Opel, Volvo...<br /> <br /> <br /> <br />
B
Très bon rééquilibrage dans le manichéisme ambiant.<br /> Pour ce qui me concerne, c'est moins le manque d'amour que je reprocherais qu'un manque de vision pour la marque.<br /> L'automobile, lorsqu'elle n'est pas "low cost" se doit d'être un porte étendard, un objet qui procure une fierté d'être exhibé et une émotion particulière à l'utilisation.<br /> Or, je vois se succéder des modèles sans cohérence, sans ligne directrice qui font que cette marque, à mes yeux, manque d'identité (l'évolution subtile, assise sur des fondamentaux "solide" du<br /> design allemand me paraît à cet égard plus "malin").<br /> Ce que je reproche à ce dirigeant est finalement simple : c'est de ne pas parvenir à insuffler à la marque l'idée qu'elle produit "de beaux objet", désirables et uniques. Dans la mondialisation et<br /> la guerre aiguisée des marques, la banalité n'est plus une option...
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