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Le blog de Stéphane Soumier

Le blog de Stéphane Soumier


La volonté de punir

Publié par eco-vibes sur 29 Octobre 2011, 15:36pm

 

 

Premier point, la dette de la Grèce. La charge reste absolument considérable. Son seul service (le simple paiement des intérêts, sans remboursement) absorbait 7% du PIB avant l’accord de Bruxelles. La décote de 50% imposée aux banques ne va pas fondamentalement changer la donne. A ce sujet, on peut s’étonner que des Etats européens négocient à 5% leur concours à la Grèce, alors qu’eux-mêmes empruntent à 3% sur les marchés. Nicolas Sarkozy s’est félicité à la télévision d’avoir déjà gagné 200 millions d’Euros dans cette affaire. C’est ahurissant ! Tout nous indique depuis le début de cette crise que les Grecs n’y arrivent pas. Les chiffres de la récession qui s’installe se modifient de jour en jour. Leur programme de privatisation est à l’arrêt : sur les 50 milliards promis au printemps dernier, seuls quelques centaines de millions ont été réalisés. Et comment le leur reprocher ? Comment reprocher à ce pays d’hésiter à brader sa richesses dans des conditions que pas un vendeur privé n’accepterait ?

 

Dès lors pourquoi refuser l’aide massive, sans condition, qui seule sauverait la Grèce ? Pour deux raisons aussi importantes l’une que l’autre. La première: le précédent qui pourrait ensuite s’appliquer à l’Espagne, l’Italie etc…(les modèles économiques de ces pays n’ont rigoureusement rien à voir avec celui de la Grèce, mais personne n’en tient compte).

 La seconde, c’est la volonté de punir. On ne peut s’expliquer autrement les atermoiements des uns et des autres. On veut que la Grèce expie ! Tous ces gens qui n’ont pas payé d’impôts pendant des années devraient maintenant souffrir, et tels des animaux de laboratoire sous la torture, on ne les nourrit que pour assurer leur survie, la poursuite de leur souffrance. C’est indigne. Je fais le pari que l’Europe en portera longtemps les traces (il y a évidemment la solution de laisser purement et simplement tomber la Grèce. Personne n’est en mesure aujourd’hui d’évaluer les conséquences d’un tel geste. Que l’on se souvienne simplement des conséquences de la chute de Lehman, pour des raisons finalement comparables, et l’on comprendra pourquoi la recherche de tout autre solution sera toujours préférable)

 

Cette volonté de punir, est à l’origine de l’autre grande faiblesse des accords de Bruxelles : la fantastique bombe de titrisation créée pour gagner du temps.

Le FESF c’est à priori la force de frappe de la zone Euro. 440 milliards, réduits à 250 après une série d’interventions, dont on démultiplie les possibilités d’actions par de la technique bancaire classique : au lieu d’assurer à 100% les dettes des Etats en difficulté, le FESF n’en assurera plus que 25% ou 20% (le montant n’est pas précisé), portant ainsi à 1000 milliards sa capacité d’action. Fort bien. C’est finalement ce que font toutes les banques du monde, avec des effets de levier bien supérieurs.

Oui mais, les banques sont appuyées sur des dépôts bien réels. Le FESF n’est appuyé que sur des garanties. Personne ne lui verse le moindre sou. Il emprunte sur les marchés à des taux très avantageux, et apporte ainsi aux pays en difficulté une ressource bon marché (prenant au passage, d’ailleurs, cette invraisemblable « commission » dont se félicite Nicolas Sarkozy). Et ce sont bien ces garanties qui pourraient poser problème si on les regardait de trop près. Ne prenons que la France, elle est supposée pouvoir débloquer, en urgence, 159 milliards (Allemagne: 211 milliards). 159 milliards ?? Pour donner un ordre de grandeur les recettes de l’Etat sur un an sont de 280 milliards. Ajoutons, contrairement à ce qui peut s’écrire ou se dire, que le Véhicule d’Investissement qui devra attirer l’argent des émergents, n’a pas comme objet de renforcer le FESF. A priori c’est même le contraire. C’est le FESF qui servira de garantie (encore une !) aux Etats en difficulté qui solliciteront (de manière indirecte) les fonds du SPV. On demande quand même beaucoup à ces malheureux 250 milliards fictifs.

 

« C’est un mécanisme basé sur la confiance, tous les mécanismes bancaires le sont » répondent en souriant les techniciens. Certes, mais les mécanismes bancaires privés sont aussi basés sur la garantie implicite ultime des Etats souverains. Là ce sont les Etats eux-mêmes qui se mettent en risque

 

Une solution simple existe pourtant, elle s’appelle la BCE. N’importe quel enfant peut comprendre qu’à partir du moment où elle émet la monnaie, elle peut émettre de quoi soutenir les Etats déficients. L’Amérique le fait, la Suisse le fait, l’Europe ne le fait pas parce que les traités s’y opposent. En fait, ça n’est même pas certain. Une lecture attentive du traité de Lisbonne laisse apparaître des marges de manœuvre considérables. Et au contraire, l’application à la lettre du traité de Lisbonne ne permettait pas la création du FESF (l’aide financière à un Etat de la zone n’est possible qu’en « raison d’évènements exceptionnels échappant à son contrôle ». Il est assez comique d’assimiler le budget grec à une catastrophe naturelle. On l’a fait, pourtant). Le Bundestag a très clairement dit qu’il ne voulait pas étudier ces marges de manœuvre. Et l’on va retrouver là notre volonté de punir

 

Laissez Hitler et le nazisme, tout cela est mort et enterré. La façon dont les Français expliquent systématiquement le comportement allemand par des références à la République de Weimar est risible. Non, les Allemands veulent simplement en finir une bonne fois pour toutes avec les dérives budgétaires européennes. Et nous laisser sur le fil du rasoir est aujourd’hui la seule façon de nous forcer à accepter la réalité. Il est quand même frappant de constater que c’est au retour de Bruxelles que le président de la République a accepté de faire ce qu’aucun gouvernement n’avait accepté avant lui de manière aussi spectaculaire : une baisse importante de nos prévisions de croissance, avec toutes les conséquences budgétaires qui s’imposent.

 

C’est un jeu très dangereux. Salutaire sans doute, mais profondément risqué. les trois grandes agences ont décidé de donner le AAA au FESF, premier soulagement, mais d’autres épreuves suivront. Seul le temps et notre rigueur absolue dans sa gestion, peuvent venir à bout de cette crise. A chaque étape on espère une baguette magique. Nous commençons juste à comprendre qu’elle n’existe pas

 

 

 

 

 

 

 

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